N’est-t-on pas mieux servi que part soi-même ? J’en suis persuadé. Cependant oublier ceux qui vont participé à la réussite du livre, indispensable à tous les amoureux de la course à pied, serait une omission impardonnable de la part d’hommes de partage comme nous pouvons...
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Yannick Marathon des Sables (suite et fin)

 

 

 

Vendredi 08 avril 2011 :

Etape 5 : Rich Merzoug/ Takkourt N’Takouit : 42,200 kms

 

Le marathon, mot magique et distance mythique. En tant que challenge, cela représente un bel objectif. Mais là, même après une journée de repos, et dans un contexte Marathon des Sables, c’est autre chose. Le même rituel sur cette ligne de départ, mais l’inquiétude grandit avec toutes ces questions. Ai-je suffisamment récupéré ? Mon entraînement était-il suffisant ? Ma gestion de course est-elle la bonne ?

Je me pose encore des questions. Maintenant, je vais savoir. Il est 9 h. Même scénario encore plus chaud autour de Patrick Bauer.


 

 

Mon sac à dos s’est allégé au fil des jours, mais la fatigue se fait sentir pour moi comme pour tous les athlètes. Nous avons les mêmes habitudes avant ce départ, boire à petites gorgées sous une chaleur pesante 28°. C’est parti. Mon inquiétude s’estompe au fil des kilomètres : oueds asséchées et plateaux se succèdent. Mon allure est dictée par mes sensations. Mes pieds et mes jambes répondent présents. Mon corps rejoint un mental qui refait surface. Je passe le CP1à 10 h 10 alors que la température atteint 32°. Fort de mon expérience de la grande étape, je prends le temps de boire abondamment, de me restaurer. Je continue sur un rythme régulier. Les dunes et villages nous offrent des paysages variés. Je me retrouve derrière deux espagnols à l’arrivée au CP2 autour de 11 h 30.

 

 

Après une restauration aussi efficace que rapide, lucide, j’emboîte les pas ou plutôt les foulées de mes compagnons hispaniques. Pour ne pas les gêner et par politesse, je me cale derrière eux. Leurs foulées sont puissantes et régulières. Mon regard balaie à la fois les paysages et les foulées de mes deux compères et là, je compare leurs mollets à ma taille. Leur puissance m’impressionne et me réconforte. J’adopte leur méthode, marcher, courir sur des intervalles réguliers en fonction de la configuration du terrain et du feeling. Après un petit jebel, un long plateau s’offre à nous et au loin, tout au bout, le bivouac. Il est 14 h – 45°. A trois en ligne, à deux kilomètres de l’arrivée, nous ressentons sans doute les mêmes sensations, les foulées s’accélèrent. L’un des deux me regarde et me fait signe de passer. Je réponds de la main, après vous. Après 5 h 30 à plus de 7km/h et 45° sur un parcours de 42kms200 difficile, nous franchissons à trois la ligne d’arrivée et restons au moins une heure ensemble à boire un bon thé et à échanger des mots franco espagnols ou l’inverse.

Encore un miracle de la course à pied. A partir de ce moment-là, je ressens comme un parfum d’aventure et un réel plaisir.

 


M’installant sous notre tente, seul, déposant mes bouteilles, je suis très fier de ce que je viens de réaliser et déçu que demain, à la même heure, ce sera fini.

Au-delà de la douleur, de la fatigue, des crampes, de la maigreur, des ampoules, je ne voudrais pas que cela s’arrête tout de suite. Sur la tente n° 6, le drapeau Sacer flotte comme un symbole.

 

 

 

Le soir du Marathon

 

La nuit tombe vite sur le marathon des sables et le soir du 8 avril 2011, l’organisation réserve toujours une belle surprise aux marathoniens. La venue d’un orchestre d’opéra en plein désert. Cette image des musiciens, chanteurs classiques, sur scène, reste pour moi un grand moment magique et surréaliste. Au milieu de ces athlètes se déplaçant comme des zombies en tenue de peintre, applaudissant et éblouis par la qualité du spectacle avant de prendre le chemin de leur tente.

Avant la dernière nuit en bivouac et la veille de la dernière étape, avant de s’endormir, il se passe quelques chose d’inexplicable ou plutôt qui peut s’expliquer sous la tente. Nous parlons, plaisantons sans appréhender l’étape du lendemain. La dernière. Nous relatons notre Marathon des Sables.

Chacun y va de ses critiques, analyses. Sébastien regrette que ses pieds l’aient lâché. Hugues reconnaît qu’il aurait pu faire mieux. Franck dit qu’il aurait dû gérer autrement. Gérard – 3ème de la catégorie des Vétérans 3 a souffert du soleil. Jean-Pierre, le marcheur reverra son équipement et le choix des chaussures, et avec des guêtres. Quant à moi, ma 135ème place sur 900 participants me satisfait.

Ce marathon des sables a été beaucoup plus difficile que l’épreuve 2009 où ma 88ème place m’avait à la fois interpellé et fait douter sur la difficulté de l’épreuve.

 

 

 


Samedi 09 avril 2011 :

Etape 6 : N’Takouit/ Tazzarine : 17 kms

 

Dès 6 h le matin, debout avec le soleil, et cette fois, sans être bousculé par nos amis marocains qui démontent les tentes. Nous prenons tous les six notre dernier petit déjeuner – café, gâteaux et spordej (je n’en peux plus).  Avant cette dernière étape, photos, fous rire, optimisme collégial. Nos douleurs, fatigue et ampoules passent au second degré. Nous  ressentons, tous les 870 rescapés, la même chose. Cette dernière étape ne peut et ne doit être qu’une formalité. A 9 h 15 (15’ de retard), Patrick Bauer donne le dernier départ du 26ème Marathon des Sables. L’allure est vive – 10km/h – mon sac, presque vide, me coupe au niveau des épaules. J’atteins le CP1 – 10 kms à 10kms/h – c’est beaucoup trop vite. La chaleur 40° et le rythme trop soutenu m’oblige à ralentir avant les palmeraies et l’entrée dans Tazzarine. Je bois, m’oblige à le faire en ne perdant aucune image de ce qui se déroule sous mes yeux

Tous ces enfants qui courent et nous demandent nos bidons, nos chaussures ou des bonbons. L’arrivée est là et bizarrement je ralentis. J’aperçois sur la ligne d’arrivée Patrick Bauer qui remet les médailles. J’ai hâte et je voudrais que ça continue en même temps.

 

Autour de moi, je vois des larmes, beaucoup d’émotion. Nous ne formons qu’UN ; Grand moment de partage, de communion sans se soucier de savoir qui est qui.

Comme un enfant, j’embrasse ma médaille.

 

 

Le retour.

 

A partir de 11 heures – heure marocaine- au retour en France, tout va très vite.

Le retour en car vers Ouarzazate -200 kms. L’hôtel, retrouvaille avec la civilisation, la chambre, la glace (horreur, maigreur), la douche interminable et réparatrice.

Rendez-vous au buffet retrouver les copains autour d’une même table. Apprendre à remanger normalement. Une nuit dans un lit. Magique où mon corps peut enfin se reposer.

 

 

 


Dimanche 10 avril 2011

 

Réveil à 6 heures. L’hôtel dort. Je décide d’enfiler une dernière fois mes chaussures de course et part trottiner trente minutes sur les boulevards de Ouarzazate. Le soleil se lève et les rues sont désertes. Je suis bien. Je revois ma course. Je pense à ma fille Elise qui à 15 ans aujourd’hui. Bon anniversaire, ma petite puce.

Retour à l’hôtel pour un pt’it déj sans spordej.

 

Ensuite, balade dans les souks – achats, échanges. Un dernier dîner avec les copains de la tente n° 6. C’est juré, on se reverra… peut-être ?

 

Préparation au départ.  Avion – arrivée à Orly – Marité enfin.

Puis retour vers la Bretagne …direction Plescop – la famille –  les amis – le travail dès le lendemain et ces souvenirs inoubliables qui marquent à jamais et pour toujours un homme heureux de l’avoir fait.

 

Jamais, je ne me considérerai comme un très grand coureur à pied, mais, je serai toujours fier de ce que j’ai fait au 26ème Marathon des Sables.

 

Yannick TUAL